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Enfants prématurés, perspectives parentales et partenariat de recherche : conversation avec Rebecca

Bienvenue à ce deuxième billet de notre blogue sur le projet La voix des parents du Réseau canadien de suivi néonatal. Notre premier billet portait


sur le point de vue des parents au sujet de leurs enfants nés grands prématurés et comment leurs perspectives se comparaient à celles des néonatologistes et des chercheurs. Dans le présent billet, nous discutons avec Rebecca Pearce, parent-chercheur, au sujet de ses motivations et de son engagement dans le projet La voix des parents.



par Melissa Jones


Bonjour Rebecca! Merci de prendre du temps pour nous parler de votre implication dans le projet La voix des parents et de l’étude qui vient de paraître récemment. C’est toujours un plaisir de discuter avec un autre parent d’enfants prématurés, en particulier un parent aussi passionné et préoccupé de l’impact que vous l’êtes!


  • Tout d’abord, pouvez-vous nous parler de vous et de ce qui vous a incitée à vous impliquer dans la cause des enfants prématurés?


J’enseigne les sciences au secondaire depuis longtemps à Montréal. J’ai deux filles, Maren qui a 12 ans et Elinor qui a 9 ans (et Rusty notre nouveau petit chien) et je suis mariée à Jason depuis bientôt 19 ans. En 2009, j’ai donné naissance à deux jumelles, Maren et Lily, nées à 25 semaines et 5 jours et pesant 760 g et 840 g. Avant d’accoucher, j’ai commencé à avoir des pertes sanguines et j’ai passé quelques jours à l’hôpital Sainte-Justine à Montréal. C’était ma première grossesse et je ne connaissais absolument rien à la naissance prématurée ni la prématurité. Une semaine après la naissance, Lily est morte d’une infection et Maren était très malade et a passé quatre mois et une semaine à l’hôpital, ce qui fut une expérience terrifiante. Pendant que j’étais à l’hôpital, je me suis mise à lire plusieurs études publiées sur les conséquences de la naissance des grands prématurés; je voulais savoir ce que ça impliquait pour Maren d’être née quatre mois avant terme et ce que ça voulait dire pour notre famille. Les recherches n’étaient pas satisfaisantes — elles étaient très médicalisées, axées sur les déficiences et les troubles du développement neurologique (TDI), par exemple, les différences et les troubles d’apprentissage, la paralysie cérébrale et les troubles de la vue et de l’audition. Pour un parent, lire tout ça était déchirant; je n’arrivais pas à savoir à quoi pouvait bien « ressembler » le TDI. Par exemple, si un enfant a un QI de 8 points sous la moyenne des enfants nés à terme, qu’est-ce que ça veut dire concrètement? Si un enfant souffre de paralysie cérébrale ou a besoin d’appareils auditifs, quelles sont les conséquences sur le fonctionnement au quotidien de l’enfant et sa famille? Il y avait aussi très peu pour ne pas dire aucune étude s’adressant aux parents pour savoir comment ils composaient avec la situation et ce qu’ils pensaient de leur enfant, ni d’étude impliquant directement les enfants prématurés et présentant leurs points de vue sur leurs vies. Sont-ils heureux? Ont-ils des amis? Leurs parents sont-ils constamment inquiets à leur sujet? Comment réussissent-ils à l’école? Pour moi, tout ça était bien plus important qu’un score sur l’échelle de QI par exemple. Je suis actuellement à ma cinquième année d’études doctorales à la faculté de l’Éducation à McGill et mon projet de doctorat porte sur les enfants nés grands prématurés qui fréquentent maintenant l’école secondaire, sur leur rendement comme apprenants et en mathématiques, et sur leurs perceptions d’eux-mêmes comme étudiants, ainsi que celles de leurs parents et de leurs enseignants. C’est extrêmement gratifiant de pouvoir parler avec ces étudiants et leurs familles, et d’en apprendre plus à leur sujet.


  • Pouvez-vous nous raconter comment vous vous êtes impliquée dans le projet La voix des parents du RCSN et nous parler un peu de votre rôle?


Un des médecins de Maren était Annie Janvier, une néonatologiste et bioéthicienne de Sainte-Justine, également mère de Violette, née grande prématurée il y a 16 ans. Annie a remarqué que je posais beaucoup de questions au sujet des recherches sur les enfants prématurés et elle a eu la gentillesse de m’inviter à participer à des projets au fil des ans. Elle m’a invité à me joindre au projet La voix des parents, soutenu par le RCSN, comme représentante des parents. Dans ce projet, des questions semi-structurées sont posées à des parents qui peuvent répondre par écrit, en ligne, de vive voix par téléphone ou en personne. Ces questions portent sur le point de vue des parents concernant la santé de leurs enfants, l’impact de la prématurité sur leurs vies, leur besoin d’information sur la prématurité et toute forme de regret qu’ils peuvent éprouver concernant certaines décisions. Les données ont été soumises à une analyse thématique, ce qui veut dire que nous avons lu les réponses des parents et nous avons cherché à identifier des idées cohérentes. Les réponses ont été codées en fonction de ces thèmes ou idées pour ensuite être examinées par au moins deux membres de l’équipe de projet. Comme parent, j’ai pu présenter un point de vue différent de celui des autres membres, pour la plupart des médecins, des étudiants en médecine et des sociologues.


  • Le projet accorde la priorité à la perspective parentale afin d’apporter les changements nécessaires au suivi en néonatalogie. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de la façon dont vous avez pu, comme parent partenaire, contribuer à ces changements?


Comme je l’ai dit, j’ai participé directement à l’interprétation des données de cette étude et j’ai contribué à la rédaction de l’article et l’élaboration des messages généraux. Mais peut-être plus important encore, j’ai participé activement au cours des dernières années, à la présentation des résultats de ces recherches à l’occasion de conférences, en personne et en ligne, et dans différents hôpitaux et organismes : la conférence EPIQ 2020, le réseau CHILD-BRIGHT, l’Hôpital Sainte-Justine, l’Université Laval, la Cleveland Clinic, le Nationwide Children’s Hospital, la conférence Gravens et la conférence de la Pediatric Academic Societies. La présentation des résultats de recherche a plus d’impact lorsqu’elle est faite par un parent impliqué dans la recherche et qui a de l’expérience en UNSI et comme parent d’un enfant né grand prématuré. Les résultats de recherche sont habituellement traités sans les parents, les données interprétées par des chercheurs et des cliniciens, lesquels ont des filtres très différents. De plus en plus souvent, les organismes de financement exigent des chercheurs qu’ils impliquent des parents partenaires dans leurs demandes de subventions. On peut donc espérer réussir progressivement à convaincre les chercheurs et les cliniciens de reconsidérer les types de données qu’ils cherchent à recueillir et les résultats qu’ils priorisent pour la recherche, et comment ceux-ci correspondent à ce que les parents considèrent essentiel.


  • La première étude produite dans le cadre du projet La voix des parents vient tout juste de paraître, elle présente une synthèse de la rétroaction sur les rendez-vous de suivi en néonatalogie du point de vue des parents et examine les retombées pour les enfants prématurés considérées comme plus importantes pour les parents. Les résultats vous ont-ils étonnée? Quels résultats vous ont le plus étonnée? Quels résultats étaient les moins surprenants?


En tant que mère d’un enfant né grand prématuré, je ne peux pas dire que j’étais étonnée par les résultats, mais ils ont dû surprendre les néonatologistes, lesquels voient rarement les enfants une fois que ceux-ci ont quitté l’UNSI, et les personnes qui en savent peu sur la prématurité. Le résultat qui m’a le moins étonnée était que très peu de parents (7 %) ne voient que les conséquences négatives de la prématurité de leurs enfants sur leur vie et celle de leur famille. La plupart des parents (74 %) reconnaissent les effets positifs et négatifs associés à la prématurité et 19 % des parents affirment que la naissance de leurs enfants n’a eu qu’un impact positif sur leur vie. C’est une conclusion somme toute assez importante quand on pense que les résultats de recherche sont généralement négatifs. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est que 16 % des parents continuent d’éprouver de la culpabilité pour la naissance prématurée de leur enfant. Nous savons que la plupart des naissances prématurées sont difficiles à prédire et ne peuvent être évitées, c’est donc triste et préoccupant de constater que ces parents sentent qu’ils auraient pu ou dû faire quelque chose pour ça. Il était intéressant également d’apprendre que les parents évaluent la santé de leurs enfants prématurés comme étant très bonne, même les parents d’enfants ayant des diagnostics de trouble du développement neurologique, alors que le discours social veut que ces enfants soient considérés comme malades ou en mauvaise santé.


  • D’autres travaux se poursuivent dans les mois à venir pour le projet La voix des parents. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui s’en vient?


Restez à l’écoute! Il y aura d’autres billets présentant divers aspects du projet, entre autres les résultats d’une étude très intéressante sur la façon dont les parents considèrent le trouble du développement neurologique comparativement aux cliniciens et au Réseau canadien de suivi néonatal. En tant que réseau, nous travaillons aussi à tenter de modifier la façon dont la cueillette de données de suivi est faite au Canada. Nous espérons que le projet La voix des parents contribuera à faire avancer les choses!


Merci d’avoir pris le temps de nous parler Rebecca!



Rebecca Pearce est membre de l’équipe Partenariat Famille (PAF) de SainteJustine, une équipe formée d’anciens parents du CHU Sainte-Justine de Montréal (Québec) qui agit à titre de ressource pour les familles fréquentant pour la première fois des UNSI, et participe à l’amélioration des soins cliniques, de la recherche et de l’enseignement en présentant le point de vue critique des parents.

Rebecca a publié plusieurs textes d’opinion sur l’incapacité des résultats de recherche de répondre aux besoins des parents d’enfants prématurés.

Rebecca est professeure de sciences au secondaire et est actuellement en cinquième année d’études doctorales au Département d’études intégrées en éducation de l’Université McGill, où elle étudie les enfants prématurés fréquentant l’école secondaire et leur rendement comme apprenants et en mathématiques. Elle dirige le comité consultatif de la famille de la FBPC.


Mère de deux enfants prématurés, Melissa Jones est aussi conférencière, agente de financement et blogueuse invitée à la FBPC.


Pour en savoir plus :

Fondation pour bébés prématurés canadiens


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